Bâyazid fut l’un de ces Soufis  totalement immergés dans la béatitude de l’attraction divine, qui  parlent de Tawhîd et qui ont atteint le degré du véritable et ardent  amour pour Allah.
Selon les renseignements fournis par Munâwî,  auteur de l’ouvrage « Qawâqib », (les étoiles), ses contemporains lui  portèrent des accusations parce qu’ils ne comprenaient pas ses  affirmations relatives à la science de l’Unicité et de la Connaissance  d’Allah ; par conséquent, ils le forcèrent à s’exiler pas moins de sept  fois. Chaque fois, cependant, leurs intrigues furent défaites, et furent  cause de tribulations pour ses mêmes auteurs. Voyant cela, ils  comprirent sa grandeur et commencèrent à le respecter.
Une fois, ils lui demandèrent :
« Qu’est-ce que le Tawhîd ? »
Et il donna cette réponse :
«  Le Tawhîd signifie foi inébranlable. Pour celui qui a une connaissance  d’Allah sûre et certaine, le Tawhîd, c’est de savoir comment chaque  créature se comporte ; en réalité, c’est un acte d’Allah : ne rien Lui  associer ni personne dans sa propre conduite. L’homme qui connait Allah,  s’il arrive à affermir cette connaissance dans son entendement,  parviendra au Tawhîd.
La signification de tout ceci est qu’Allah n’a pas d’associés dans les faits.
A  cause de son discernement, il avait coutume de faire cette fervente  supplique : « Ô Seigneur ! Enlève la moitié de moi-même parce que, quand  je suis avec Toi, rien n’est plus grand que moi. Mais si je reste avec  mon nafs, alors rien n’est plus insignifiant que moi. »
Bâyazid  était un ascète. Son ascétisme prévoyait trois degrés. Comme lui-même  l’expliquait, le premier consistait à renoncer à ce monde et à ce qu’il  contient ; le second, à se détacher de l’amour de l’au-delà et de tout  ce qui le concerne ; le troisième, à couper chaque lien du cœur attaché à  autre qu’Allah.
Il mettait en relation la faim avec la Science  de l’Esprit (Hikmet) et la signifiait comme l’une des sources  principales du savoir procédant du monde divin. Il avait coutume de dire  : « La faim est comme un nuage. Quand l’homme est affamé, son cœur est  restauré par les pluies du savoir divin ».
On lui demanda une fois :
« Comment as-tu fait pour obtenir la Connaissance d’Allah ? »
Il répondit :
« Par l’estomac vide et le corps sans défense. »
« Pourquoi loues-tu tellement la faim ? » lui répéta-t-on.
Il répondit :
« Si le Pharaon avait eu l’estomac vide, il n’aurait pas eu la prétention d’être Dieu. »
Il  but le vin de l’amour et en fut enivré. Pour ce motif, on lui posait  des questions et répondait parfois : « Je le cherche aussi depuis trente  ans, mais je n’en ai pas encore trouvé la trace ». Quand ces paroles  furent rapportées à Dhul-Nun al-Misrî, celui-ci s’exclama : « Frères,  Bâyazid est parti en compagnie de ceux qui vont à la rencontre d’Allah.  Ils ne laissent pas d’empreintes dans ce monde car ils se sont éteints  en Allah.
Bâyazid al-Bistâmî, célèbre pour son amour envers Allah  et ses états d’enlèvements (mystiques) consécutifs à l’influence de  l’attraction divine, attira également l’attention de Mohieddine Ibn  Arabî qui le cita souvent dans ses œuvres. L’amour qu’éprouvait ibn  Arabî pour Bâyazid réveilla à son tour, parmi les principaux Maîtres  Naqshbandi liés à la silsila de Bâyazid, un intérêt particulier  vis-à-vis d’ibn Arabî. Jusqu’à l’Imam Rabbanî, la majeure partie des  Maîtres Naqshbandi écrivirent des commentaires sur les œuvres d’Ibn  Arabî ; ou mieux, on peut dire que l’amour pour Ibn Arabî constituât une  caractéristique de la silsila Naqshband
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suite et fin
rapporté : Musa Belfort.